INTERVIEW DE GÉRARD FRIEDLANDER
Délégué Général de la Fondation Université de Paris, Ancien doyen de la faculté de médecine de l’université Paris-Descartes, Membre du Conseil Scientifique de MSDAVENIR
Que représente MSDAVENIR pour vous ?
MSDAVENIR est un fonds français qui a consacré, entre 2015 et 2018, 75 millions d’euros à des projets en recherche biomédicale. Ce fonds est intéressant pour 3 raisons. Tout d’abord, MSDAVENIR ne se limite pas à certaines thématiques bien que certaines soient privilégiées puisqu’elles correspondent à des préoccupations majeures et d’intérêt pour MSD France. Ensuite, contrairement à tout ce qui se passe dans le financement public de la recherche, il n’y a pas d’appel à projets : MSDAVENIR prend soin de choisir chaque projet, en croisant elle-même les informations et en cherchant des acteurs de la recherche en question bien spécifiques. Cette démarche est fructueuse puisqu’elle permet d’aboutir à des projets de qualité. La troisième raison réside dans le financement : lorsqu’un projet bénéficie d’un financement, il est bien plus conséquent avec MSDAVENIR que lorsqu’il vient du public et il est extrêmement souple dans son usage. J’ajouterais également que le suivi des projets est extrêmement précis et attentif. MSDAVENIR prend le temps d’accompagner les équipes de recherche grâce à des réunions de suivi qui sont pertinentes, à la fois pour les chercheurs et pour MSDAVENIR. Ce système de partenariats public-privé dénote de manière considérable dans le paysage du financement de la recherche biomédicale en France.
« Les partenariats public-privé sont vitaux pour la recherche. J’ai moi-même été directeur d’une structure de recherche. »
Quand j’ai démarré, en 1995, les dotations publiques correspondaient à 80% du budget de fonctionnement, hors salaires. En 2015, quand j’ai arrêté, cette même dotation publique ne correspondait plus qu’à 10-15% du budget de fonctionnement : elle a diminué alors que les besoins ne faisaient qu’augmenter. Les équipes de recherche doivent désormais s’adapter et se tourner vers des financements privés. Le privé apporte également un nouveau cadre : des comptes doivent être rendus, des livrables doivent être produits, les délais doivent être respectés. Le privé oblige à une rigueur et à une régularité qui donne une dynamique à la profession. Plus un chercheur est confronté tôt à cette rigueur, plus vite il deviendra un bon chercheur. En plus d’optimiser l’utilisation de l’argent, cette rigueur est éducative. Ces objectifs fixés par la sphère privée n’empêchent pas les aléas et les difficultés que peuvent rencontrer les équipes mais MSDAVENIR est présent pour les accompagner à les surmonter.
Comment se déroulent les réunions de suivi, quels sont leurs objectifs ?
Ces réunions sont annuelles ou bi-annuelles. Pour les équipes de recherche, elles permettent notamment de faire un point sur l’engagement des fonds pour l’acquisition de matériel ou pour les recrutements. Nous les accompagnons à trouver des réponses à leur questions ou à débloquer certaines situations. Ces moments sont aussi l’occasion de faire un point sur l’avancement du projet au regard de l’agenda initial. Il y a un devoir de faire cette analyse au moins une fois par an afin de constater l’avancement ou d’analyser les problèmes majeurs qui peuvent se poser tels que des problèmes logistiques de recrutement ou des problèmes scientifiques. Il peut arriver que l’on arrive dans des culs-de-sac à la fois conceptuels et méthodologiques. Il est donc très important d’en faire état, d’essayer de comprendre pourquoi nous y sommes arrivés et de voir comment nous pouvons les surmonter.
Quel est votre rôle chez MSDAVENIR ?
L’équipe de suivi est constituée de deux parties qui sont complémentaires. Il y a d’une part une équipe de permanents, dirigée par Dominique Blazy, et un Conseil scientifique constitué d’experts dont je fais partie. Au sein de celui-ci, mon rôle en tant qu’expert est triple. D’une part, je participe à l’évaluation de certaines des équipes qui ont été soutenues. Je participe également à l’élaboration des Journées scientifiques. Enfin, j’ai aussi un rôle d’évaluateur dans la sélection des projets. Nous assistons l’équipe de Dominique Blazy en lui apportant notre expertise de terrain et notre expertise métier. Nous contribuons aussi à réorienter certaines équipes en faisant évoluer leur projet vers d’autres aires thérapeutiques ou vers l’utilisation de l’intelligence artificielle afin de les rendre plus originaux.
« L’expérience que je vis avec MSDAVENIR est une aventure singulière. »
Je suis vraiment entouré d’acteurs de qualité qui donnent toute leur valeur au parcours de sélection que nous avons mis en place.
Quelles sont les qualités observées lors de la sélection d’un projet ? Doivent-ils davantage répondre à un enjeu de recherche fondamentale ou à l’amélioration de la qualité de vie des patients ?
Il est compliqué de répondre à cette question car nous aimerions que tous les projets soient à la fois impliqués dans la recherche fondamentale et qu’ils aient pour objectif le bien-être et la santé du patient. Nous avons pourtant vu que des projets scientifiques sont capables de répondre à ces deux finalités. Ces derniers mois par exemple, nous avons appris le rôle de la protéine Spike, la façon dont elle s’amarre à des cellules humaines et nous avons aussi réussi à générer des anticorps et développer des vaccins. Nous en découvrons encore tous les jours sur le sujet !
« C’est ce qui est magique dans ces projets : mêler la recherche fondamentale et la recherche appliquée pour le patient ! »
Les deux types de recherche scientifique se mélangent d’autant plus vite que le sujet est aigu et urgent, comme c’est le cas dans la pandémie que vivons. L’équipe de Dominique Blazy a très rapidement saisi la complémentarité qui existe entre la recherche finalisée et la recherche fondamentale : l’un n’a de sens que si l’autre existe. La recherche fondamentale a tout intérêt à se pencher vers la recherche finalisée pour le patient. Inversement, parfois il faut prendre le temps de faire des recherches sur des sujets fondamentaux pour répondre à des questions de recherche appliquée. Il existe une compréhension globale et un équilibre entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée : l’un permet de faire avancer l’autre.
Comment contribuez-vous à l’organisation des Journées scientifiques MSDAVENIR ?
L’organisation des Journée scientifiques MSDAVENIR se fonde sur des discussions que nous avons au sein du Conseil Scientifique. Nous nous demandons ce qu’il serait intéressant de montrer de nouveau par rapport aux années précédentes pour rendre cette journée la plus attractive possible en réfléchissant aux formats que nous allons produire. Nous essayons d’alterner des communications très courtes avec un meneur de jeu très interactif et des conférences un peu plus longues et collaboratives.
Comment avez-vous accueilli l’annonce de la nouvelle enveloppe ?
Je me suis dit que notre travail ne devait pas être si mauvais puisque MSD a renchéri avec une nouvelle enveloppe de financement qui monte le fond à plus de 100 millions d’euros. Une nouvelle chance s’offre aux projets formidables que nous n’avons pu sélectionner.
« C’est une aventure qui est spectaculaire, au sens où je n’en connais pas d’équivalente de par sa grandeur et son importance. »